Il était une fois un royaume dans lequel vivaient beaucoup de manants, dont moi. Nous vaquions à nos tâches diverses pour assurer notre pitance, en assurant la prospérité du seigneur qui régnait sur nos terres. Ce dernier vivait isolé sur son rocher, véritable place forte en laquelle il se sentait inexpugnable, entouré d'un essaim de conseillers serviles, rampants de toutes espèces qui ondulaient frénétiquement pour placer leur tête vide sous la caresse de la main boudinée mais nourricière de leur maître.
Parmi eux se trouvait un chevalier à l'air candide qui avait servi de nombreux sires avant d'échouer, las et dépité, au service du général en chef du seigneur. Passablement surpris par la rudesse du général, il avait néanmoins accepté la mission que le galonné décérébré lui avait assignée; parcourir les forteresses éloignées du château pour s'assurer que les manants à qui elles avaient été confiées en usaient avec toute la probité requise.
Ainsi il arpentait la lande, avec dans sa besace sa pitance et des ordres de mission rocambolesques, tous issus de la boite crânienne vide du général. Et lors de ses pérégrinations, ce beau chevalier songeait qu'ainsi adoubé, il allait lui falloir briller pour obtenir la confiance des manants, dont on l'avait informé au château qu'ils n'étaient que séditions et révoltes larvées.
Il fut surpris de découvrir en lieu et place des brigands corrompus qui lui avait été dépeints par le général et ses nombreux sbires aux dents jaunes, des manants droits et attentifs à la préservation des terres dont ils jouissaient. Et quand il eut découvert l'étendue des travaux qu'isolés ils avaient menés, il s'indigna qu'on lui eut présenté un tableau faisandé.
Il dialogua ici et là, fit le tour des métairies et forteresses pour s'assurer de leur bon état et finit par déclarer à chaque manant qu'on lui avait dressé un panorama sordide et mensonger de leur vie, tout nourri des paranoïas et frustrations qu'engendre la vie en altitude dans les sommets des tours d'ivoire.
Il décida qu'il serait alors un preux chevalier pour les preux manants, observateur impartial et probe, et dont l'équité innée guiderait les paroles.
Amoureux des chênes séculaires, il instruit maintenant des conciles pour rendre justice sous les rameaux de sa grandiloquence vérolée, car hélas son verni n'a pas tenu. Et le miel de ses parole ne masque plus son haleine fétide et viciée qui rend allégeance aux mensonges du général.
Le preux et les preux.
Les preux et lui.
Lui est lépreux.
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