Faut que j'avoue quelque chose dont j'ai secrètement honte parce qu'il s'agit d'une banalité d'une puérilité consternante. Quand j'ai rencontré mon ex-femme elle sortait d'une relation avec un journaliste érudit à qui je mettais des peignées au tennis sans savoir qu'il me détestait cordialement (ce que j'ignorais en un profond mélange de naïveté condescendante, je fais ça très bien) parce que j'étais à ses yeux - pour diverses raisons erronées - une incarnation pathétique du capitalisme, mais on s'en fout.
Ce gars lisait beaucoup et mieux que moi. Et tout à sa passion il faisait partage de ses lectures à sa douce qui s'en contrefichait royalement tout en conservant les pages en une belle bibliothèque aux pages non cornées.
Ainsi, elle reçu pour son premier anniversaire après sa rupture le roman "Dalva" de Jim Harrison dont la quatrième de couverture capta mon attention et m'incita à jeter un oeil à la bibliothèque qu'elle possédait.
Des livres posés là, elle me dit qu'il fallait que je lise "Un privé à Babylone" de Richard Brautigan. J'ai pris le bouquin et snobé cette histoire de détective privé manifestement pastiche.
Un peu après je suis parti à l'armée et je l'ai embarqué par défaut.
Alors d'abord que je vous dise que Richard Brautigan est né en 1935 à Tacoma (USA) et qu'il s'est fait sauter le caisson en 1984. C'était un grand échalas moustachu qui passa la majeure partie de sa vie entre San Francisco et le Montana en faisant de fréquents séjours au Japon. Poète et écrivain de la beat génération cet escogriffe hippie semble n'avoir jamais grandi, gardant un oeil naïf et loufoque sur le monde qui l'écrasait. Et qu'il a écrit plusieurs romans en détournant les genres.
Un soir de déprime militaire - y en a beaucoup quand votre environnement est composé essentiellement d'aboyeurs postillonnants qui se délectent à demander en hurlant à de jeunes troufions apeurés comment on prononce le r dans le mot cheval(?!), pour mieux lancer au silence qui suit un tonitruant Bourrin(!) sensé détendre l'atmosphère - j'ai pris le roman en me disant que ce serait toujours mieux que d'écouter les commentaires dépités qui faisaient suite à la projection de "Brazil" (Terry Gilliam) en lieu et place du "Schwarzi" initialement programmé.
Et là, énorme coup de coeur qui dure depuis pour cet effectif pastiche de roman policier qui n'en finit pas de me sidérer chaque fois que je le relis.
Brautigan écrit les désopilantes aventures d'un privé trop rêveur et indubitablement raté. Avec un sens de la dérision absolu et un humour ahurissant il m'a accroché à jamais aux basques d'un enquêteur dont le souci principal n'est pas de résoudre l'affaire qu'on lui a confiée mais bien de trouver un nom qui sonne pour son double, le héros récurent qui peuple ses rêves. Et tout çà est rempli de courtes phrases serties, de suites de mots qui sont pleins de petits bijoux à la musique et au rythme incroyables.
J'ai lu et relu ses pérégrinations hilarantes trop de fois pour les compter, si j'écrivais je pasticherais Philippe Djian et comme lui je ferais prendre une cuite à l'un de mes personnages la nuit où il apprend la mort de Brautigan.
Donc je dois à un ex de mon ex une idole littéraire, deux même, parce que Jim Harrison et son Dalva c'est une autre grande claque.
Mais ceci est une autre histoire....
J'ai adoré et je me suis bien poilé..... tu m'as embarqué sur ce post, je pense que je vais lire le bouquin. Ma femme, qui te connait mieux maintenant, a été très attentive à ma lecture......mais si je peux me permettre une remarque.....Putain lolo, mets des mots que je peux prononcer à haute voix, car l'erreur ne pardonne pas après deux bons verres de rosé bien frais...
continue mon pote, c'est un régal de te lire.......j'ai hâte de lire ton premier bouquin...mais ça tu le sais
Rédigé par : sagesse | 15/09/2010 à 19:57