Je promenais seul, enfants et compagne occupés ailleurs. J’étais descendu en ville au guidon de ma vespa, ce petit objet de culte si pratique pour se faufiler sans perdre de temps. Mon temps, ce temps qui m’appartient, si précieux. Au cœur de la ville, pour une commodité des plus absolues, j’ai emprunté la voie piétonne en filant entre deux des bornes qui en condamne l’accès aux véhicules. Au ralenti certes. Je m’en serais voulu de gêner les piétons. Ainsi j’ai pu stationner au plus près de ma destination et éviter de marcher, pas envie.
Plus tôt dans la matinée, je m’étais rendu à la banque pour raisons professionnelles. Dans la file d’attente devant moi il y avait deux vacanciers. L’un souhaitait déposer sur son compte un chèque. Mais compte dans une autre agence et pas de bordereau pré-imprimé à son nom, aïe aïe aïe pas possible. La saisie manuelle d’une opération bancaire n’existe plus à l’heure actuelle. La machine veut son bordereau pré-imprimé, un point c’est tout ! L’autre vacancier voulait procéder à un retrait d’espèce. L’hôtesse d’accueil lui a vertement dit que le guichet automatique situé à l’extérieur de l’agence était fait pour ça ! Certes, mais quid du retrait d’une somme supérieure au plafond défini pour l’usage de sa carte bancaire ? Gros soupir résigné de l’employée devant gérer une opération basique, habituellement si bien exécutée par la machine automatique. Mais les gens sont pénibles, qui n'usent pas des facilités de l'automatisation. Franchement, c'est simple.
Pas fou et peu désireux de m’exposer à la vindicte bancaire je me suis approché d’un guichet automatique. Il était occupé, quel enfer ! Heureusement à deux mètres de là, un autre établissement bancaire me proposait le sien, de guichet automatique, et libre, immédiatement disponible pour moi !! J’ai pu toutes affaires cessantes obtenir en quelques clics les euros si nécessaire à ma consommation de citoyen libre.
Je pénètre en trombe dans le temple culturel sis devant ma vespa pour jouir de l’air conditionné au plus vite, tant l’air ambiant extérieur nuit à ma santé. Sans progrès la vie ne vaut rien. Je m’approche du rayon photos. Je suis absolument ravi du cadre numérique qui trône sur la console de mon entrée. Il m’offre en continu une sélection aléatoire de photos qu’il extrait pour moi de tous les clichés multi-pixélisés dont je le nourris régulièrement. Ce faisant il m’épargne le casse-tête du choix des photos que je souhaite voir.
Cela dit, mes parents sont vieux-jeu et absolument pas « up-to-date » et il faut que je leur fournisse des tirages papiers. Alors j’ai fait l’acquisition d’un logiciel de retouche et j’ai embellie la réalité fixée par l’œil numérique de mon appareil. Puis mon ordinateur a glissé-déplacé les clichés choisis vers une clé usb et je l’ai là, avec moi dans ce magasin. Je fais maintenant face à une machine qui me dicte ses instructions par écran interposé. Je savoure cet instant de plénitude pendant lequel je n’ai pas à subir le sabir d’un employé mal formé et ennuyeux qui, comme naguère, époque détestée heureusement révolue, n’aurait fait que prendre livraison d’une pellicule en m’assurant que deux jours c’était vraiment le délai le plus court pour effectuer le développement des photos! Insupportable. Là, même pas cinq minutes et je récupère mes tirages, la vie est belle.
Ensuite je flâne dans la partie librairie et je me cogne aux têtes de gondoles qui croulent sous les exemplaires du dernier Marc Levy. En chavirant de bonheur de voir offert au plus grand nombre cet opus incontournable je manque perdre l’équilibre et me rattrape à une table décalée. Sur cette dernière, une des employés a souhaité mettre en avant une collection « nature writing », quelle idée saugrenue !? Il y a des titres à faire fuir n’importe quel esthète du monde moderne. « Même les truites ont du vague à l’âme » de John Gierach, je pouffe. « Lonesome dove » de Larry McMurtry, tome I et II, j’essuie une larme, 2 tomes pour une histoire de cow-boys non mais. Il y a aussi « Les derniers grizzlys » de Rick Bass. Franchement si c’est les derniers, pourquoi en causer ? J’en ai tellement mal aux côtes que j’ai oublié d’acheter le Marc Levy. Merde.
Tout cela m’a donné beaucoup d’émotions, j’ai soif. Il y a une superette toute proche. Je prends un soda light mais peu de caisses sont ouvertes, c’est pénible d’attendre. Heureusement, ils ont fait installer des caisses automatiques. Je me précipite vers la première disponible. Et hop, même pas besoin de dire bonjour à la machine, je la malmène à ma vitesse, sans même un regard pour la préposée assoupie qui en surveille cinq. J’ai tant à faire juste après. Et puis je suis en train de faire son boulot, je ne vais pas lui dire merci en plus !! Allez vite vite.
Je reprends ma vespa et je descends le sens interdit, je ne vais quand même pas faire un grand tour pour récupérer la route du retour quand 10 mètres à l’envers m’y conduisent derechef, non ?
Enfin de retour chez moi, je peux profiter de ma télévision. Normal, j’ai oublié le Marc Levy. Pas grave, j’y retourne demain.En attendant, je vais aller faire un tour sur internet, je suis sur que je vais trouver un forum sur Marc Levy.
Et je repense un instant à ces bouquins débiles sur la nature. Des malades qui partent en expédition pour trouver des crottes d'ours géant afin de prouver qu'il reste encore des grizzlys dans le Colorado. Pendant qu'un écran tactile me permet de choisir mon menu big mac en moins de temps qu'il ne m'en faut pour l'écrire. Ah les malades! Z'ont rien compris encore.
Quelle belle vie, Youpeeeeee…….
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